Dans les organismes de formation, la gestion du stress et de la surcharge cognitive est un enjeu pédagogique majeur, en particulier pour les adultes présentant un Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH). Ce trouble, souvent méconnu chez l’adulte, se manifeste par des difficultés à maintenir l’attention, à filtrer les distractions, ou à réguler ses efforts mentaux dans des contextes exigeants. Or, les environnements de formation sont par nature riches en sollicitations : informations denses, rythmes soutenus, évaluations, interactions sociales. Pour un public TDAH, cela peut rapidement provoquer un épuisement cognitif, altérant les apprentissages. Comprendre les mécanismes à l’œuvre, repérer les signaux de saturation et proposer des adaptations réalistes devient alors essentiel. Cet article propose un tour d’horizon des leviers à mobiliser pour mieux prévenir la surcharge cognitive et favoriser l’équité dans les parcours de formation.
Comprendre le lien entre TDAH, stress et surcharge cognitive
Chez l’adulte en formation, le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) ne se manifeste pas uniquement par une distraction passagère. Il s’accompagne souvent d’une sensibilité accrue au stress et d’une difficulté à réguler l’effort mental dans le temps. Ce trio — TDAH, stress et surcharge cognitive — forme un cercle vicieux qui peut rapidement compromettre l’apprentissage.
La surcharge cognitive désigne un état dans lequel la capacité de traitement mental est dépassée par la quantité ou la complexité des informations à gérer. Pour un adulte avec TDAH, la mémoire de travail est souvent moins stable : il devient difficile de retenir une consigne en plusieurs étapes, d’écouter un formateur tout en prenant des notes, ou de traiter simultanément plusieurs consignes visuelles et orales. Résultat : l’information ne s’intègre pas correctement, la compréhension est partielle, et l’effort fourni devient disproportionné.
Ce phénomène s’aggrave lorsqu’il est combiné à un stress contextuel : pression temporelle, crainte d’échouer, environnement bruyant ou rythme de formation soutenu. Le stress agit alors comme un amplificateur des symptômes du TDAH, provoquant une agitation accrue, des oublis, voire un repli sur soi.
Comprendre cette interaction est essentiel pour ajuster les pratiques pédagogiques. Il ne s’agit pas d’un manque de volonté ou d’attention, mais d’une inadéquation entre les exigences cognitives de la formation et les capacités réelles de l’apprenant dans un contexte stressant.
Une fois ce lien établi, encore faut-il savoir repérer les moments où la surcharge cognitive s’installe. Quels sont les signes concrets à observer ? Et comment distinguer un simple désengagement d’un véritable épuisement mental ?
Identifier les signes d’alerte en situation de formation
Manifestations visibles : agitation, désengagement, lenteur ou précipitation
En formation, certains comportements doivent alerter. L’agitation physique — mouvements incessants, changement fréquent de posture — peut traduire une surcharge cognitive croissante. À l’inverse, un désengagement progressif (regard dans le vide, absence de prise de notes, refus de participer) peut aussi signaler un débordement mental. Certains adultes avec TDAH réagissent par une lenteur marquée dans l’exécution des tâches, tandis que d’autres précipitent leurs réponses, sautant des étapes ou multipliant les erreurs.
Signaux faibles : fatigue accrue, évitement, réactions émotionnelles inattendues
D’autres indicateurs sont plus discrets mais tout aussi révélateurs. Une fatigue rapide au bout d’une heure de session, un besoin répété de s’isoler ou de faire des pauses, un évitement des exercices complexes, ou encore des réactions émotionnelles démesurées (colère, tristesse, irritabilité) face à une consigne mal comprise sont autant de signes d’un effort mental excessif. Ces manifestations sont souvent interprétées à tort comme un manque d’implication, alors qu’elles traduisent une lutte invisible pour rester « à flot » dans un contexte surstimulant.
Situations typiques
- Julie, 34 ans, en formation bureautique
Après 45 minutes de travail sur un tableur, Julie commence à manipuler nerveusement son stylo, puis son téléphone. Elle demande plusieurs fois la même consigne, qu’elle oublie aussitôt. Lorsqu’on lui propose un exercice d’application, elle soupire bruyamment, quitte la salle sans prévenir. Interrogée ensuite, elle explique qu’elle se sentait « submergée » sans pouvoir expliquer pourquoi. - Mehdi, 28 ans, en reconversion vers le métier de cariste
Mehdi est appliqué mais extrêmement lent dans la rédaction d’un dossier professionnel. Il relit chaque phrase trois fois, change d’avis, revient en arrière. À la pause, il reste seul, visiblement tendu. Il confiera plus tard à un formateur qu’il ne parvient pas à « faire le tri » dans les consignes et qu’il se sent stupide malgré ses efforts.
Adapter les pratiques pédagogiques pour prévenir la surcharge
Structuration des sessions : rythme, alternance d’activités, pauses cognitives
Un apprenant avec TDAH ne dispose pas du même seuil de tolérance à l’effort cognitif que les autres. Maintenir un rythme linéaire de deux heures de cours magistral est contre-productif : cela conduit à une saturation mentale rapide. Il est donc essentiel d’alterner les types d’activités (exposés, mises en situation, échanges collectifs), tout en intégrant des « pauses cognitives » toutes les 30 à 45 minutes. Ces pauses ne sont pas nécessairement des interruptions physiques ; il peut s’agir d’un changement de modalité (exercice ludique, respiration guidée, vidéo courte), permettant à l’attention de se relâcher puis de se recentrer.
Par exemple, dans une séquence de trois heures sur la réglementation, un formateur peut diviser son contenu en modules de 20 minutes suivis d’un quiz collectif, puis proposer une activité de classement ou un jeu de rôle. Ce découpage évite que l’apprenant reste passif face à une séquence trop longue, ce qui limite le risque de décrochage progressif.
Encourager la reformulation active et les rappels fréquents
Les adultes avec TDAH bénéficient grandement d’un ancrage pédagogique actif. Plutôt que de s’assurer passivement qu’une consigne a été entendue, il est plus efficace de demander à l’apprenant de la reformuler avec ses propres mots. Cette reformulation active oblige le cerveau à structurer l’information, favorisant ainsi l’encodage en mémoire. Par exemple : « Comment comprenez-vous cette consigne ? », « Quels sont selon vous les étapes à suivre pour commencer cet exercice ? »
De la même manière, les rappels fréquents de ce qui a été vu précédemment jouent un rôle de stabilisation cognitive. En début de séance, on peut faire verbaliser à l’oral ou à l’écrit les trois idées principales retenues la veille. Ces moments de reprise réduisent l’effet de dispersion et facilitent l’engagement cognitif, surtout si la mémoire de travail est fragilisée.
Mais au-delà de la structuration des contenus, c’est aussi l’environnement global — physique, relationnel et émotionnel — qui influence la capacité d’un apprenant à rester concentré et serein. Créer un cadre apaisant devient alors une priorité.
Créer un environnement de formation apaisant
Favoriser l’engagement et limiter la surcharge cognitive chez les apprenants avec TDAH passe aussi par l’attention portée à l’environnement global de formation. Il ne s’agit pas uniquement du contenu pédagogique ou des supports, mais de tout ce qui constitue l’expérience d’apprentissage : l’ambiance du lieu, les interactions humaines, les signaux sensoriels et les outils de régulation du stress. Un environnement apaisant constitue un levier majeur de concentration, de régulation émotionnelle et de confiance.
L’influence du cadre physique
Les conditions matérielles dans lesquelles se déroule la formation jouent un rôle déterminant pour les personnes avec TDAH, particulièrement sensibles aux stimulations sensorielles.
- Bruit :
Une salle bruyante, avec des échos ou des bruits de fond (climatisation, couloirs bruyants, allers-retours constants) peut provoquer une dispersion rapide de l’attention. L’idéal est d’opter pour un espace calme, avec une bonne isolation acoustique. L’usage de panneaux phoniques ou même de bouchons d’oreilles sur demande peut être utile. - Lumière :
Une lumière trop vive ou trop faible peut dérégler les repères temporels et gêner la concentration. Une lumière naturelle tempérée, complétée par un éclairage indirect, est généralement plus confortable. - Disposition de l’espace :
Les personnes avec TDAH peuvent bénéficier de places en périphérie pour éviter les distractions visuelles. Prévoir la possibilité de s’isoler temporairement (coin calme, espace de pause) constitue un vrai plus. - Décoration :
Un environnement surchargé visuellement (posters multiples, mobilier coloré, objets inutiles) est un facteur perturbateur. Mieux vaut un espace épuré, ordonné, avec des repères visuels clairs.
L’attitude du formateur : allier sécurité et motivation
Le formateur joue un rôle clé dans la construction d’un environnement sécurisant, évitant que le stress ne vienne aggraver les difficultés attentionnelles.
- Valoriser sans survaloriser :
Souligner les progrès réels, même minimes, sans tomber dans une félicitation automatique, aide à renforcer la motivation.
Exemple : « Je vois que vous avez structuré votre analyse cette fois-ci, bravo pour cet effort de clarté. » - Poser un cadre bienveillant :
Les apprenants avec TDAH ont besoin de repères clairs et constants. Établir des règles explicites (temps de parole, rythme des pauses, attentes en matière de participation) sécurise le groupe et limite les tensions. - Ne pas interpréter trop vite :
Ce qui peut être perçu comme de l’impertinence (prise de parole impromptue, manque de contact visuel) est souvent une manifestation du trouble, et non un comportement intentionnel. Une réaction proportionnée, informée, évite la stigmatisation. - Adapter le feedback :
Privilégier les retours constructifs, concrets, immédiats, plutôt que des critiques générales en fin de session.
Exemple : « Vous avez coupé la parole deux fois à votre collègue pendant son exposé. La prochaine fois, essayez de noter vos questions et de les poser pendant la discussion. »
Gérer les émotions et le stress : des techniques simples
Les adultes avec TDAH sont souvent sujets à une réactivité émotionnelle importante. La formation peut générer des sentiments de honte, d’incompétence, ou d’anxiété, notamment face aux évaluations ou aux consignes mal comprises. Intégrer des outils de régulation émotionnelle permet de restaurer un climat de confiance.
- Pauses guidées :
Introduire de courtes pauses de recentrage en milieu de session (par exemple, 2 minutes de respiration guidée, ou un exercice de relaxation rapide) permet de faire baisser la tension mentale. Ces temps peuvent être présentés comme des « pauses pour tous », sans ciblage particulier. - Techniques de respiration :
L’enseignement de la cohérence cardiaque (respirer 6 fois par minute pendant 5 minutes) est adapté au contexte de formation, simple à transmettre et très efficace pour apaiser le système nerveux. - Routine de début de session :
Démarrer chaque séance par un petit récapitulatif, une question ouverte sur le ressenti, ou une présentation claire du programme du jour permet de rassurer, de structurer le temps, et de favoriser l’engagement. - Mots-clés sécurisants :
L’utilisation de formulations rassurantes aide à dédramatiser les erreurs et à soutenir l’estime de soi.
Exemples : « Prenez le temps dont vous avez besoin. », « Il est normal de ne pas tout retenir du premier coup. »
La qualité de l’environnement de formation est un facteur trop souvent négligé, alors qu’il constitue un soutien silencieux mais puissant pour les apprenants avec TDAH. En pensant l’espace, la posture du formateur et les outils de gestion du stress comme des composantes à part entière de la pédagogie, on agit concrètement pour rendre la formation plus accessible, plus humaine, et plus efficace pour tous.
Enfin, pour soutenir l’autonomie des adultes avec TDAH, il est utile de leur proposer des outils simples d’autorégulation, tout en mobilisant les ressources internes à l’organisme de formation.
Mobiliser des outils pour soutenir l’attention et l’autorégulation
Les adultes avec TDAH disposent souvent d’une grande capacité d’engagement… à condition que leur attention soit soutenue et que leur stress reste sous contrôle. Pour les aider à maintenir leur concentration et à réguler leurs émotions, plusieurs outils simples peuvent être mobilisés tout au long du parcours de formation.
Côté numérique, des applications comme Forest, Focus To-Do ou Be Focused permettent de minuter les temps de travail (technique Pomodoro), tandis que des extensions de navigateur comme StayFocusd ou Freedom bloquent l’accès aux sites distrayants. En formation présentielle, un minuteur visuel ou un sablier peut rendre le temps concret, structurant ainsi les séquences d’activité sans pression excessive.
Sur le plan de la régulation émotionnelle, certains apprenants bénéficient de routines personnelles pour s’apaiser ou se recentrer : respiration guidée, micro-pause à heure fixe, utilisation d’une fiche mémo avec 3 actions de recentrage (ex. : “respirer – reformuler – relire la consigne”). Ces routines peuvent être encouragées et valorisées par le formateur, à condition d’être discrètes et personnalisées.
Le Référent Handicap, enfin, joue un rôle central pour proposer des outils adaptés au profil de l’apprenant. Il peut par exemple recommander un aménagement du temps de passage à l’oral ou suggérer des applications d’organisation à tester en amont. Il s’agit ici d’un accompagnement progressif vers l’autonomie, en tenant compte des besoins individuels sans imposer un cadre rigide.
Mobiliser ces outils ne signifie pas “faire à la place de” l’apprenant, mais l’aider à mieux se situer, s’organiser et se réguler dans un environnement parfois trop stimulant ou exigeant.
Conclusion
La surcharge cognitive n’est pas une fatalité pour les apprenants avec TDAH. Elle devient évitable dès lors que l’on adopte une posture d’écoute, de vigilance et d’adaptation. Loin d’exiger des moyens lourds, les actions les plus efficaces reposent souvent sur des gestes professionnels simples : rythmer les séquences, reformuler les consignes, aménager les espaces, encourager les routines de recentrage. Vous pouvez approfondir ce sujet en lisant l’article d’ALYZO « TDAH et apprentissage : quels aménagements ? ».
En combinant pédagogie explicite, environnement apaisant et outils d’aide à la régulation, les organismes de formation créent des conditions favorables à l’apprentissage de tous. Car en rendant visible l’invisible — ce que vit un adulte avec TDAH dans une salle de formation — on ouvre la voie à une pédagogie plus juste, plus humaine, et plus inclusive. Pour en savoir plus, suivez la formation d’ALYZO pour le Référent Handicap et l’équipe de formation
Bibliographie
Questions-Réponses
Comment reconnaître la surcharge cognitive chez un adulte avec TDAH ?
La surcharge cognitive se manifeste souvent par de la fatigue rapide, une agitation physique, des oublis fréquents, une baisse d’attention ou des réactions émotionnelles disproportionnées. Ces signes apparaissent quand les exigences cognitives de la formation dépassent les capacités de traitement de l’apprenant.
Le TDAH rend-il les adultes plus sensibles au stress en formation ?
Oui. Les adultes avec TDAH présentent souvent une plus grande réactivité au stress. Ce stress aggrave les difficultés attentionnelles, favorise la dispersion mentale et peut entraîner une perte de confiance ou un retrait face aux tâches complexes.
Quels aménagements pédagogiques permettent de prévenir la surcharge cognitive ?
Des séquences courtes, des pauses régulières, l’alternance des formats d’activités et la reformulation active des consignes sont particulièrement efficaces. Ces adaptations favorisent la concentration sans surcharger la mémoire de travail.
Quels outils peuvent aider à gérer l’attention en formation ?
Des outils comme les minuteurs visuels, les applications anti-distraction (Forest, Focus To-Do), ou encore les fiches mémo personnalisées aident à maintenir l’attention et à réguler l’effort mental tout au long du parcours de formation.
Quel est le rôle du Référent Handicap face au stress cognitif des apprenants ?
Le Référent Handicap peut proposer des aménagements individualisés, recommander des outils d’organisation, faciliter la régulation émotionnelle, et coordonner l’accompagnement pédagogique pour prévenir la surcharge cognitive.