Le processus d’accompagnement des apprenants en situation de handicap comprend plusieurs étapes.
Détection du handicap
La détection du handicap est conseillée dès l’inscription. Il est de plus en plus fréquent que l’organisme de formation inclue dans le questionnaire d’inscription en ligne la question « Avez-vous le statut de Travailleur Handicapé (RQTH, CMI invalidité…) ? Et quand la personne répond « oui », l’information est transmise automatiquement au Référent Handicap qui prend l’initiative de proposer un entretien individuel à la personne.
Echanges avec l’équipe administrative
Il est important de créer une atmosphère ouverte et accueillante où les apprenants se sentent en sécurité pour partager leurs besoins spécifiques sans craindre de stigmatisation ou de discrimination. Ces besoins peuvent avoir pour origine un handicap ou d’autres causes comme une grossesse, un problème de logement, une situation personnelle difficile (divorce, enfant à charge, ressources financières insuffisantes, droit de séjour en France, etc.).
- En cas de handicap, dans la majorité des cas, aucun aménagement de la situation de formation n’est requis. Il est cependant préférable de s’en assurer de façon active.
- L’abord du handicap en tant que contrainte dans l’apprentissage est légitime dès lors que la personne a le statut administratif de travailleur handicapé ou qu’elle dit être en situation de handicap, que celui soit reconnu administrativement ou pas. Il convient alors d’organiser la prise de rendez-vous avec le Référent Handicap.
- Il est également fortement recommandé d’aborder le sujet quand le handicap est visible et que le stagiaire ne l’a pas mentionné, ne serait-ce que pour valider de façon explicite que la personne n’a besoin d’aucun aménagement.
- Enfin, quand le handicap est invisible mais que la personne semble avoir des problèmes de santé ou utilise des moyens de compensation visibles au sein de l’organisme de formation (se place très près et fixe celui qui parle, enregistre au lieu de prendre des notes, a besoin de faire beaucoup de pauses, semble ressentir des douleurs, etc.), il est également préférable d’essayer d’aborder le sujet.
- Idéalement, le bon moment pour aborder la situation de handicap est celui choisi par la personne concernée. Tous les lieux sont appropriés du moment que la personne prend l’initiative : une salle de classe, le couloir, l’infirmerie…
Les bons réflexes sont les suivants :
- Respecter la liberté de l’apprenant de parler ou non de sa situation de handicap
- Affirmer la volonté de l’organisme de formation d’accompagner tout stagiaire en situation de handicap tout au long de son apprentissage
- Informer sur le rôle du Référent Handicap pour accompagner la personne et mobiliser les aides
- Respecter la confidentialité sur l’origine et la nature du handicap (si la personne les évoque)
Entretien individuel pour aborder le handicap
Tout apprenant ayant déclaré un handicap doit être reçu par le Référent Handicap pour explorer ses besoins d’adaptation.
Questions autorisées
Toutes les questions sur les conséquences du handicap ou les besoins d’aménagement de la situation de formation sont autorisées.
- Vous avez une RQTH. Est-ce que vous avez besoin d’un aménagement particulier ?
- De quels aménagements disposiez-vous dans votre parcours de formation antérieur ?
- Dans la formation, y a-t-il des situations qui pourraient vous poser des problèmes par rapport à votre handicap ?
- Vous pratiquez la lecture labiale : qu’attendez-vous de votre entourage professionnel en termes d’adaptation ?
- Y a-t-il des situations pédagogiques qui pourraient vous mettre en difficulté ou des aménagements à prévoir ?
- Je comprends que vous êtes sujet à des moments de fatigue. Comment peut-on vous aider ?
- Sachant qu’un tiers de la formation se fait sur les chantiers, cela représente-t-il une contrainte pour vous ?
- À la suite de ma description de la formation, voyez-vous des aménagements à faire par rapport à votre handicap ?
- Avez-vous d’autres besoins ?
Questions interdites
- Comment avez-vous contracté cette maladie ?
- Racontez-moi l’accident à l’origine de votre handicap ?
- Est-ce que c’est un handicap de naissance ?
- Quels sont les symptômes de votre maladie ?
- Quel est le nom de votre maladie ?
Bonnes pratiques
- L’objectif est de comprendre la demande, pas la nature du handicap et encore moins son origine.
- Le même handicap ne conduit pas forcément aux mêmes aménagements : tout dépend du métier, de l’environnement, des autres capacités ou incapacités de la personne.
- L’apprenant en situation de handicap reste le mieux placé pour savoir ce qui lui convient, c’est pourquoi il faut toujours l’impliquer dans le dispositif envisagé.
- Il faut aussi avoir le réflexe de demander à l’apprenant s’il a d’autres besoins afin de ne pas le découvrir plus tard et se retrouver dans l’urgence.
- Par rapport aux examens, il est important de bien connaître les règles administratives afin de ne pas donner plus d’aide que ce à quoi l’apprenant aura droit au moment des épreuves, ce qui le mettrait en difficulté.
- Le formateur doit toujours être prévenu et il lui appartient de gérer le groupe en conséquence.
Évaluation des besoins
Toute adaptation qui pourrait être considérée comme un privilège par les autres apprenants ou qui suppose un coût financier doit être justifiée formellement. Dans le cas du handicap, c’est le Service de Prévention et de Santé au Travail (SPST) ou le médecin de prévention (université) vs le médecin du travail (organisme de formation professionnelle), qui sont les seuls à être légitimes pour faire des préconisations qui permettront d’adapter la situation de formation ou d’apprentissage. Dans d’autres cas, par exemple la remise des supports pédagogiques en amont des sessions de formation ou le fait de pouvoir s’asseoir très près du formateur, l’action peut être mise en œuvre sans formalités par les équipes administrative ou pédagogique. Certains besoins sont plus faciles à satisfaire que d’autres qui s’avèrent plus compliqués.
Exemples de demandes simples
- Un siège ergonomique
- Un interprète en langue des signes
- Une boucle magnétique portative
- Un badge d’accès au parking et une carte d’accès à l’ascenseur depuis le parking
- L’organisation du portage du plateau-repas
- Le remboursement d’un taxi ou d’un service PAM (Pour Aider à la Mobilité)
- Des documents agrandis ou numérisés
- La mise à disposition de matériel bureautique : ordinateur, logiciel grossissant avec synthèse vocale, clavier adapté
- Des masques inclusifs (transparents pour la lecture labiale)
Exemples de demandes plus compliquées
Le handicap intellectuel
- Les documents doivent être adaptés et il faut parfois faire preuve d’innovation : bande dessinée, symboles, vidéos…
- Le rythme : la personne suit une partie de la formation et ensuite il y a une reprise du contenu avec une autre personne, en dehors des heures de formation.
Le handicap visuel
- Les matériels sont souvent très spécifiques et coûteux.
- Il y a aussi toujours la question du chien-guide pour qu’il soit autorisé à entrer dans le restaurant, même si juridiquement le chien-guide a de toute façon le droit d’entrer dans le restaurant.
- Les preneurs de notes s’avèrent en général indispensables.
- Les tests de niveau ne sont pas toujours adaptés et il faut les rendre accessibles.
Le handicap cognitif
- Une salle avec lumière et couleurs douces a été spécialement préparée pour un apprenant autiste.
Les maladies qui génèrent de la fatigabilité
- Alors que la formation était de 5 jours, l’agent n’est venu que le matin et a eu un accompagnement par un cadre de sa collectivité pour compléter la formation sur le lieu de travail.
- La narcolepsie implique souvent d’assouplir le rythme de la formation.
Demandes apparemment simples et finalement complexes
Le handicap moteur
- Les fauteuils électriques sont très encombrants et peuvent exiger des aménagements supplémentaires, même quand le bâtiment répond aux normes d’accessibilité.
La surdité
- Un responsable pédagogique témoigne : « Quelquefois on se méprend sur l’efficacité de la compensation. Par exemple nous avons sollicité un interprète en langue des signes : nous étions confiants parce que tout était écrit. Et nous nous sommes rendu compte un peu tard que cet interprète n’avait aucune culture numérique. Si bien que le stagiaire n’avait pas compris des notions élémentaires comme les « bases de données ». Si l’interprète ne maîtrise pas les concepts de la discipline enseignée, il ne peut pas les expliquer et le stagiaire va rapidement être bloqué dans son apprentissage. »
Sollicitation de spécialistes
Certains besoins plus complexes peuvent nécessiter de faire appel à des spécialistes. L’organisme de formation (OF) a intérêt à repérer en amont les partenaires et associations spécialisées potentiellement utiles (ergothérapeutes, psychologues, spécialistes autisme, malvoyance, surdité, etc.) sur son territoire. Sinon, le plus simple est de contacter Cap emploi qui pourra proposer notamment l’aide Ressource Handicap Emploi (RHF).
Utilisation de la technologie
Des outils d’évaluation peuvent aider à identifier des besoins spécifiques en matière d’apprentissage, par exemple des logiciels d’évaluation qui mesurent les capacités cognitives ou les styles d’apprentissage.
Mise en œuvre
Quand les besoins spécifiques sont bien identifiés, il convient de rechercher les moyens pour mettre en œuvre les aménagements requis.
Le statut administratif de Travailleur Handicapé octroie un droit à la compensation du handicap qui permet de :
- Adapter les modalités pédagogiques.
- Adapter les conditions d’évaluation et les examens.
- Obtenir des financements pour les aménagements qui supposent d’acheter des biens (mobilier, matériel informatique, logiciel…) ou des services (interprétariat en langue des signes, preneur de notes…).
Quand l’apprenant n’a pas le statut administratif, il est opportun de lui conseiller de faire une demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), sinon les aménagements risquent de ne pas être finançables ou l’adaptation des examens peut être refusée.
Au minimum, il est souhaitable que l’apprenant présente un avis de son médecin traitant justifiant la mise en place des aménagements.
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Ce droit à la compensation du handicap est limité juridiquement. On parle d’un « aménagement raisonnable ». Les charges qui sont analysées comme disproportionnées sont en général les suivantes :
- Le coût trop élevé
- Le potentiel trouble au fonctionnement de l’OF (désorganisation…)
- Les droits des autres apprenants
- La sécurité
- L’impossibilité objective pour l’OF de mettre en place l’aménagement, que ce soit pour des raisons pratiques, juridiques, etc.
Il s’ajoute un autre aspect qui peut faire débat : doit-on accepter en formation une personne qui, avec ou sans aménagements, pourra suivre la formation et même obtenir le diplôme ou la certification, mais dont les chances d’accéder au métier semblent très faibles.
Les aménagements requis pour suivre la formation mettent souvent en relief les difficultés prévisibles sur le marché du travail et interpellent la notion de charge disproportionnée.
Par exemple, dans un centre de formation en arts plastiques, l’adaptation pour un apprenant ayant un handicap visuel peut soulever des défis liés à la création et à l’appréhension des œuvres d’art. Il pourrait être nécessaire d’intégrer des technologies d’assistance telles que des logiciels de description d’images ou des outils tactiles pour permettre à l’apprenant de participer pleinement aux cours et aux activités pratiques.
De même, dans un institut de formation en langues étrangères, l’adaptation pour un apprenant ayant un handicap auditif peut nécessiter des ajustements dans les méthodes d’enseignement et les supports pédagogiques utilisés. Des sous-titrages en temps réel lors des cours magistraux, l’utilisation de vidéos avec des signataires et la mise en place de groupes de travail avec des traducteurs en langue des signes peuvent être nécessaires pour assurer une compréhension optimale et une participation équitable.
Enfin, dans un centre de formation en informatique, l’adaptation pour un apprenant ayant un handicap cognitif peut impliquer des modifications dans la présentation des informations et des exercices. Des supports de cours simplifiés, des instructions détaillées étape par étape et des exercices pratiques guidés peuvent être privilégiés pour faciliter l’apprentissage et l’assimilation des concepts.
D’autres sujets suscitent des débats
- Coût financier de l’accessibilité : le financement des mesures visant à rendre les formations accessibles peut être source de polémique, notamment en ce qui concerne la répartition des coûts entre l’OF, les organismes financeurs et les apprenants.
- Équilibre entre adaptation et standards de qualité : trouver un juste équilibre entre l’adaptation des formations aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap et le maintien des standards de qualité pédagogique peut donner lieu à des discussions.
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Quand la décision est prise de faire les aménagements, la question se pose de « Qui fait quoi ? ». On peut affirmer que tout le monde est potentiellement concerné. Il est cependant conseillé de mettre en place une instance qui répartit les tâches entre les différents acteurs, sachant que tout ne pourra pas être confié au Référent Handicap.
Voici quelques exemples :
- S’il faut adapter les supports administratifs et leurs modalités de transmission pour les rendre accessibles à certains candidats en situation de handicap, ce peut être le rôle du Référent Handicap ou du responsable administratif de l’organisme de formation.
- S’il faut guider une personne malvoyante dans les locaux, ce peut être le rôle du Référent Handicap ou de la personne en charge de l’accueil.
- S’il faut un interprète en langue des signes pour un entretien, ce peut être le rôle du Référent Handicap de commander la prestation ou de transmettre les coordonnées de l’organisme à contacter à l’équipe pédagogique qui va recevoir la personne sourde.
- S’il faut organiser le portage de plateau au restaurant self-service pour une personne à mobilité réduite, ce peut être le rôle du prestataire de restauration.
- S’il faut s’adapter à la lecture labiale, le Référent Handicap pourra sensibiliser l’équipe pédagogique et les stagiaires mais il ne pourra se mettre à leur place quand la personne malentendante s’adressera à eux.
- S’il faut commander un fauteuil ergonomique pour un stagiaire souffrant de lombalgie ou installer une boucle magnétique pour une personne malentendante appareillée, ce peut être le rôle du service immobilier ou des services généraux.
- S’il faut adapter un support de formation, ce peut être le rôle du responsable pédagogique ou du formateur.
- S’il faut adapter les modalités pédagogiques ou les pauses, ce ne peut être que le rôle du formateur.
- S’il faut découper une formation d’une journée en 2 demi-journées pour compenser la fatigabilité d’un stagiaire, ce peut être le rôle du responsable de formation.
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Dans un monde idéal, la mise en place des adaptations doit être faite avant le démarrage de la formation, ce qui suppose plus ou moins d’anticipation selon les moyens de compensation requis. Par exemple, la mobilisation d’organismes spécialisés externes demande du temps. De même, la mise à disposition de matériel ergonomique peut être chronophage en raison des délais de commande et de livraison. Toutefois, depuis que l’AGEFIPH et le FIPHFP mettent en place des plateformes régionales de prêts de matériel, cet écueil devrait progressivement disparaître.
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Il faut retenir que, dans la majorité des cas, les besoins spécifiques sont simples à satisfaire, non onéreux (pauses, envoi des supports pédagogiques en amont de la formation, temps supplémentaire pour les travaux à rendre ou les examens…) ou finançables (matériel, logiciel, interprète en langue des signes…). Mais il existe des situations où il sera nécessaire de réfléchir à plusieurs (Référent Handicap, équipe pédagogique, équipe administrative, direction de l’établissement, service médico-social…), tout en impliquant la personne concernée, dans le but de prendre une décision adaptée à la situation de l’apprenant au regard de son projet de vie et du marché du travail, mais aussi par rapport à la faisabilité d’adapter la situation de formation avant le démarrage de celle-ci.
Suivi
Le suivi des apprenants en situation de handicap s’avère indispensable pour vérifier non seulement l’efficacité des mesures prises mais aussi pour soutenir de manière continue leur inclusion. Il faut souligner que les enjeux diffèrent selon la durée de la formation. Le suivi vise à prévenir un échec ou la tentation d’abandon de la formation.
Voici quelques points clés :
- Évaluer l’efficacité des adaptations : vérifier si les aménagements et les supports mis en place répondent effectivement aux besoins des apprenants et facilitent leur apprentissage.
- Repérer un risque d’insuffisance ou d’inadaptation des moyens mis en place : les besoins des apprenants peuvent évoluer au fil du temps en raison d’un changement de leur état de santé ou de modifications au niveau de l’environnement, qu’il soit physique (lieu de formation), organisationnel (programme d’études, calendrier, encadrement…), technologique (disponibilité…).
- Vérifier l’inclusion : s’assurer que les apprenants se sentent intégrés et valorisés par les professionnels, l’encadrement et par leurs pairs au sein du groupe de formation.
Le suivi est essentiel : dans certains cas, sur des formations longues, le décrochage peut se faire en 24 heures. Dans un CFA, un responsable pédagogique témoigne : « Le jour où la personne n’a pas le sourire aux lèvres, c’est qu’il y a déjà un problème. Il faut agir vite sinon la progression pédagogique est altérée et cela peut conduire à une rupture de la formation. »
Le suivi sera d’autant plus important que la formation sera longue. Pour des formations s’étalant sur un an et quand aucun problème particulier n’est détecté, il convient de contacter la personne environ une fois par trimestre. Les contacts pourront être plus nombreux quand les conséquences du handicap sont significatives : fatigabilité, manque de concentration, difficultés à lire ou à entendre…). Il faut noter que le référentiel Qualiopi ne prévoit pas de suivi pour les formations ne dépassant pas deux jours.
Le suivi peut prendre différentes formes, plus ou moins adaptées selon la durée et les modalités de la formation :
- Réunions régulières : organiser des réunions périodiques avec les apprenants pour discuter de leur progression, des défis rencontrés et de leur satisfaction par rapport aux adaptations fournies. Pour une formation s’étalant sur un an, il convient d’organiser environ 3 points de suivi.
- Feedback continu : encourager les apprenants à fournir un retour régulier sur leur expérience et l’utilité des adaptations. Ce feedback peut être recueilli à travers des enquêtes, des entretiens ou des journaux de bord.
- Évaluation des performances : examiner les performances académiques et autres indicateurs de réussite pour déterminer si les adaptations contribuent positivement à l’atteinte des objectifs d’apprentissage.
- Documentation et rapports : prendre des notes détaillées à chaque étape de suivi, notamment les problématiques rencontrées, les mesures prises, les feedbacks reçus et les ajustements effectués. C’est d’autant plus important si la formation implique l’intervention de plusieurs acteurs. Toutefois il faut mettre en place un dispositif respectant la confidentialité et protégeant les données personnelles des apprenants, conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et à la législation nationale en vigueur relative à la protection des données.
De la détection au suivi, en passant par l’analyse des besoins spécifiques et la mise en œuvre des moyens appropriés, le processus garantit un itinéraire de formation inclusif où le handicap est pris en compte à chaque étape.