Qu’est-ce qu’un aménagement raisonnable ?
Dans son guide « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable », publié en 2017, le Défenseur des Droits explique que le concept d’aménagement raisonnable prend sa source dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) et la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000. L’obligation d’aménagement raisonnable impose à tous les employeurs de « prendre les mesures appropriées pour permettre aux Travailleurs Handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. »
Le Code du Travail, sans mentionner les termes d’aménagement raisonnable, définit celui-ci dans l’article L5213-6 de la façon suivante :
- « Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des Travailleurs Handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
- L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
- Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L5213-10* qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
- Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination. »
*L’article L5213-10 stipule : « L’Etat peut attribuer une aide financière du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés à tout employeur soumis à l’obligation d’emploi de Travailleurs Handicapés afin de faciliter la mise ou la remise au travail en milieu ordinaire de production des personnes handicapées. Cette aide peut également être destinée à compenser les charges supplémentaires d’encadrement. » Cela signifie que l’évaluation d’une « charge disproportionnée » ne peut se faire qu’après avoir sollicité les aides disponibles.
Dans la pratique, l’aménagement raisonnable désigne les modifications et ajustements nécessaires et appropriés apportés à un poste de travail ou à l’environnement de travail qui permettent à une Personne en Situation de Handicap d’accéder à un emploi et de l’exercer efficacement, sur un pied d’égalité avec ses collègues. Ces aménagements ne doivent pas imposer une charge disproportionnée à l’employeur. Ils peuvent inclure des changements dans l’organisation du travail, l’installation d’équipements spéciaux, des formations adaptées et d’autres mesures selon les besoins.
L’aménagement raisonnable : des exemples concrets
Voici des situations qui illustrent, selon le type de handicap, un aménagement raisonnable vs une charge disproportionnée.
Handicap moteur
- Aménagement raisonnable : remplacement des armoires par des meubles de rangement de 80 cm de hauteur pour une personne en fauteuil roulant.
- Charge disproportionnée : reconstruction complète d’une installation pour la rendre accessible aux personnes en fauteuil roulant, nécessitant un investissement majeur qui pourrait menacer la viabilité financière de l’entreprise.
Handicap visuel
- Aménagement raisonnable : fourniture d’un logiciel de lecture d’écran pour permettre à une personne aveugle d’utiliser des ordinateurs et d’autres technologies de l’information.
- Charge disproportionnée : remplacement de l’ensemble du matériel informatique de l’entreprise par des équipements compatibles avec des technologies d’assistance très coûteuses, qui seraient utilisées par une seule personne.
Handicap auditif
- Aménagement raisonnable : mise en place d’un système de boucle magnétique dans une salle de réunion pour une personne malentendante.
- Charge disproportionnée : installation d’un système de boucle magnétique complexe dans chaque espace de l’entreprise, y compris ceux rarement utilisés, entraînant des coûts élevés et des modifications structurelles importantes.
Handicap cognitif et intellectuel
- Aménagement raisonnable : simplification des instructions de travail pour aider une personne avec une déficience intellectuelle à accomplir ses tâches.
- Charge disproportionnée : généralisation des instructions simplifiées au détriment de personnes, par exemple autistes, ayant besoin d’autres formes d’adaptation des consignes.
Handicap de la parole
- Aménagement raisonnable : utilisation d’un dispositif de communication amélioré, comme Tadeo, qui permet à une personne de communiquer efficacement en langue des signes (LSF) avec ses collègues.
- Charge disproportionnée : obligation pour tout le personnel de suivre une formation longue et intensive pour utiliser en permanence la LSF comme langue de travail.
Handicap psychique
- Aménagement raisonnable : flexibilité des horaires pour une personne souffrant de dépression, lui permettant de commencer plus tard dans la journée tant qu’elle suit un traitement médicamenteux lourd.
- Charge disproportionnée : exiger que tout le personnel modifie ses horaires pour s’adapter systématiquement aux besoins spécifiques d’une personne, perturbant l’équilibre travail-vie privée de tout le monde.
Maladie chronique : diabète
- Besoins : surveillance régulière de la glycémie, accès à des repas et des collations à intervalles réguliers pour gérer les niveaux de sucre dans le sang et la possibilité de s’administrer de l’insuline ou d’autres médicaments pendant les heures de travail.
- Aménagement raisonnable : mise à disposition d’un espace privé et propre où la personne peut tester sa glycémie et s’administrer de l’insuline. Et octroi de pauses supplémentaires pour la gestion de la glycémie.
- Charge disproportionnée : construction d’une installation médicale complète sur site pour permettre la surveillance constante de la santé de la personne, entraînant l’employeur à prendre une responsabilité médicale illégitime.
Maladie Pulmonaire Obstructive Chronique (MPOC)
- Besoins : accès à un environnement avec air filtré pour éviter une aggravation des symptômes due à la pollution, flexibilité des horaires en cas de crise sévère et possibilité de travailler à domicile si nécessaire.
- Aménagement raisonnable : installation de purificateurs d’air de haute qualité dans les zones de travail de la personne et permettre le travail à domicile les jours de mauvaise qualité de l’air extérieur.
- Charge disproportionnée : réaménagement complet du système de ventilation de l’entreprise au risque de perturber gravement les processus de production ou d’aggraver l’état de santé d’une autre personne.
- Un exemple d’impact sur la production : dans une entreprise de fabrication de semi-conducteurs, les processus de production exigent une concentration précise de certains gaz dans l’air pour assurer la qualité des puces. Si une personne nécessite une réduction significative de l’un de ces gaz en raison de sa MPOC, cela pourrait techniquement impacter la production, entraînant des défaillances de produit ou des inefficacités.
- Un exemple d’impact sur la santé d’une autre personne : les changements dans les niveaux d’humidité pourraient affecter les personnes souffrant d’eczéma ou d’autres maladies dermatologiques, car l’humidité peut soit exacerber soit améliorer les symptômes, selon les cas.
Maladie chronique : Sclérose En Plaques (SEP)
- Besoins : flexibilité en raison de la fatigue extrême, aménagements ergonomiques pour gérer la mobilité réduite et accès à des températures modérées, car la chaleur peut aggraver les symptômes.
- Aménagement raisonnable : permettre des horaires de travail flexibles, installer des stations de travail ergonomiques adaptées et ajuster la climatisation ou fournir des ventilateurs personnels pour maintenir une température fraîche.
- Charge disproportionnée : remodeler tout le bâtiment pour assurer un contrôle climatique conforme aux besoins thermiques de la personne avec SEP, à savoir un environnement frais, ce qui serait nocif pour les personnes avec MPOC qui ont besoin d’une chaleur modérée en permanence.
En conclusion, l’objectif est toujours de fournir des aménagements qui répondent aux besoins de la personne sans imposer une charge excessive à l’employeur ou perturber de manière disproportionnée l’environnement de travail pour le reste du personnel. L’évaluation de ce qui constitue une « charge disproportionnée » peut dépendre de plusieurs facteurs, y compris la taille et les ressources de l’entreprise, les bénéfices pour la personne et l’impact global sur l’organisation. Un équilibre doit être trouvé pour garantir l’inclusion tout en maintenant la productivité et la cohésion au sein de l’entreprise.