Adapter un support de formation ne consiste pas seulement à le rendre plus attrayant : c’est un acte pédagogique majeur, surtout lorsqu’il s’adresse à des apprenants ayant des profils cognitifs spécifiques. Parmi eux, les personnes atteintes de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) rencontrent des difficultés bien particulières dans le traitement de l’information écrite, visuelle ou numérique. Dans les organismes de formation, il est essentiel de concevoir des supports accessibles, structurés et hiérarchisés pour favoriser leur engagement, éviter l’épuisement cognitif et permettre un apprentissage efficace.
À travers cet article, nous proposons des pistes concrètes pour repenser les supports pédagogiques à la lumière des besoins des adultes avec TDAH. De la structuration des documents à leur animation en présentiel ou à distance, chaque choix visuel ou textuel peut devenir un levier d’inclusion… ou un facteur d’exclusion.
1. Comprendre les enjeux cognitifs du TDAH en lien avec les supports
Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) ne se résume pas à une simple difficulté de concentration. Chez l’adulte en formation, il s’agit d’un ensemble de particularités cognitives qui influencent fortement la manière de recevoir, traiter et retenir les informations. Comprendre ces enjeux est essentiel pour concevoir des supports pédagogiques réellement accessibles.
Première difficulté majeure : l’attention fluctuante.
Un apprenant avec TDAH peut être totalement absorbé par une tâche, puis décrocher brutalement face à un contenu jugé monotone ou trop dense. Dans un document long, sans structuration visuelle, l’attention se disperse rapidement. Résultat : l’information est survolée, mal intégrée, voire mal comprise.
Deuxième enjeu : la mémoire de travail
La mémoire de travail est la capacité à maintenir temporairement en mémoire plusieurs éléments pour les manipuler mentalement. Chez un adulte avec TDAH, cette mémoire est souvent instable. Lorsqu’un support pédagogique présente trop d’informations à la fois (par exemple, une page A4 remplie sans respiration visuelle), la charge cognitive dépasse les capacités de traitement, ce qui provoque une saturation mentale. Cela se traduit par un décrochage, une lecture superficielle ou un découragement rapide.
Troisième point critique : la désorganisation cognitive.
Face à une information mal hiérarchisée, l’apprenant avec TDAH peut avoir du mal à distinguer l’essentiel du secondaire. Il peut s’attarder sur un détail au détriment de l’objectif principal, ou encore ne pas comprendre la logique du déroulé. L’absence de repères visuels (titres, puces, encadrés) rend l’appropriation du contenu plus laborieuse.
Dans ce contexte, un support accessible doit être structuré, visuel, répétitif et hiérarchisé. Cela ne signifie pas simplifier à outrance, mais organiser l’information de manière à guider l’attention et à faciliter l’encodage mnésique. Par exemple, mettre en évidence les mots-clés, expliciter les attendus dès le début du document, ou répéter les points clés sous des formes différentes (schéma, phrase synthétique, exemple).
Adapter les supports pédagogiques ne relève donc pas uniquement d’un souci de confort : c’est un levier fondamental pour réduire la surcharge cognitive et favoriser l’engagement actif des apprenants avec TDAH.
Une fois les mécanismes cognitifs du TDAH mieux compris, la première étape concrète consiste à rendre l’information plus lisible. La clarification et la hiérarchisation des contenus sont des conditions indispensables pour limiter l’effort mental et faciliter l’appropriation des savoirs.
2. Clarifier et hiérarchiser l’information
Les adultes avec TDAH peuvent se perdre dans un contenu mal balisé, surtout lorsqu’il prend la forme de tableaux denses, de fichiers Excel complexes ou de supports sans hiérarchie visuelle. Par exemple, un tableau croisant plusieurs indicateurs sans légende claire devient rapidement illisible. De même, un graphique surchargé sans explication orale ou écrite peut désorienter.
Pour lever ces obstacles, il est essentiel d’isoler les informations clés : encadrer les notions prioritaires, séparer les niveaux de lecture (titre, résumé, approfondissement), et utiliser des repères visuels constants (puces, couleurs, pictogrammes). Face à un document Excel, on peut pré-remplir certains onglets, bloquer les lignes/colonnes de référence, ou créer un mode d’emploi synthétique. L’objectif : réduire l’effort de tri mental pour accéder au sens et éviter le décrochage.
Clarifier les contenus ne suffit pas si la mise en page reste surchargée ou confuse. Le design visuel joue un rôle déterminant dans la manière dont l’apprenant perçoit et traite l’information. Il convient donc de structurer aussi la forme.
3. Adapter le support visuel : formes, couleurs, mise en page
Au-delà du contenu, la forme du support a un impact direct sur la capacité de concentration des apprenants avec TDAH. Une mise en page trop dense ou désorganisée entraîne une surcharge cognitive, rendant difficile l’extraction des informations essentielles. À l’inverse, une présentation aérée, sobre et structurée favorise l’attention soutenue.
Par exemple, un support de formation contenant des paragraphes serrés, sans interlignes ni marges, peut décourager la lecture. À l’inverse, une page construite avec des zones d’espacement, des titres visibles, et des blocs bien délimités permet une lecture par étapes. La lisibilité visuelle devient un outil pédagogique.
Les couleurs doivent être utilisées avec parcimonie : un code couleur cohérent (ex. : rouge = alerte, vert = consigne) aide à structurer la pensée, tandis qu’un usage excessif ou décoratif peut distraire. Les pictogrammes apportent une aide à la mémorisation s’ils sont clairs, systématisés et limités à l’essentiel.
L’objectif n’est pas de rendre le support “attrayant” au sens esthétique, mais de le rendre accessible cognitivement, en limitant les distractions visuelles et en renforçant la logique de lecture. Le minimalisme est souvent plus efficace que la surstimulation.
Au-delà du papier et des supports statiques, les outils numériques permettent d’introduire de l’interactivité et du rythme dans les apprentissages. Bien utilisés, ils peuvent soutenir l’attention des apprenants avec TDAH et renforcer leur engagement.
4. Intégrer des formats numériques interactifs pour soutenir l’attention
Pour les apprenants avec TDAH, les supports numériques peuvent devenir de véritables outils de concentration, à condition d’être conçus avec intelligence. Un PDF statique de 40 pages sera souvent difficile à parcourir, tandis qu’un contenu interactif et modulaire, accessible en petites séquences, facilitera l’attention et la mémorisation.
Les plateformes de formation qui proposent des quiz auto-correctifs, des vidéos courtes, ou des modules en micro-learning permettent aux apprenants de rester actifs. Par exemple, insérer un quiz de 3 questions à la fin d’un module vidéo oblige à maintenir l’attention et donne un retour immédiat, renforçant ainsi l’engagement.
Les liens internes dans un document numérique, les sommaires cliquables ou les options de lecture audio sont également très utiles. L’interactivité ne doit pas être gadget : elle doit répondre à un besoin cognitif précis, en fragmentant l’information et en favorisant la navigation autonome dans le contenu.
Concevoir un support de qualité, c’est une chose. Mais son utilisation en séance de formation doit aussi être pensée pour accompagner la compréhension et maintenir l’attention dans la durée, notamment en présentiel.
5. Adapter les supports en situation d’animation : accompagner la lecture et la compréhension
Lorsqu’un support est projeté ou distribué pendant une séance présentielle ou à distance, il ne suffit pas qu’il soit bien conçu : il doit être accompagné pédagogiquement. Les personnes avec TDAH peuvent avoir du mal à suivre une lecture autonome ou à rester concentrées face à un diaporama dense.
Il est essentiel d’ancrer la lecture dans une dynamique orale : ne pas projeter de longs blocs de texte sans lecture commentée, mais verbaliser les points clés, guider le regard vers l’essentiel (“Comme vous le voyez dans le cadre bleu à gauche…”), reformuler les messages importants, et prendre le temps de faire des pauses explicatives.
Une distribution préalable du support permet aussi à l’apprenant de le découvrir à son rythme, d’annoter ou de surligner. En complément, des supports résumés ou des fiches-mémo en fin de session aident à structurer l’apprentissage. Cette animation attentive rend les supports vivants, accessibles et moins intimidants pour les apprenants cognitivement vulnérables.
Les apprenants avec TDAH doivent également pouvoir s’approprier les contenus en dehors des temps d’animation. Un bon support est un support qui reste utile et accessible en autonomie, sans supervision constante.
6. Adapter les supports à l’autonomie individuelle
En dehors des temps d’animation, les supports pédagogiques doivent permettre à l’apprenant de travailler de façon autonome sans se perdre ni se décourager. Pour une personne avec TDAH, les documents trop denses ou trop techniques sont sources de confusion, voire de décrochage.
Un support bien pensé pour l’autonomie intègre une progression claire, des consignes explicites et découpées étape par étape, et évite les formulations ambiguës. Par exemple, au lieu d’un simple “Complétez le tableau ci-joint”, on précisera : “Étape 1 : lisez la consigne en haut de page. Étape 2 : remplissez les trois premières colonnes à l’aide de votre cours. Étape 3 : comparez avec l’exemple fourni page suivante.”
Les supports interactifs, comme les documents numériques avec liens internes ou signaux visuels, aident à se repérer. De même, l’ajout d’un sommaire visuel ou d’un index permet de retrouver rapidement les sections utiles. L’objectif est de réduire l’effort d’organisation mentale, pour permettre à l’apprenant de se concentrer sur le contenu plutôt que sur la structure.
Pour mettre en œuvre ces principes, encore faut-il disposer des bons outils. Plusieurs formats numériques et supports structurés permettent aujourd’hui de répondre aux besoins spécifiques des personnes avec TDAH, sans complexité technique excessive.
7. Outils et formats à privilégier
Pour concevoir des supports adaptés aux personnes avec TDAH, certains outils et formats se révèlent particulièrement efficaces. Ils permettent de répondre aux besoins de clarté, de flexibilité, et de stimulation cognitive équilibrée.
Les présentations de type PowerPoint ou Canva, bien structurées, avec peu de texte par diapositive, des titres explicites et une progression linéaire, facilitent l’appropriation du contenu. Les fiches synthétiques au format PDF, intégrant des pictogrammes, des schémas ou des tableaux simples, offrent un support de révision utile et peu chargé cognitivement.
Les formats numériques interactifs, comme les modules e-learning sur Genially, H5P ou Rise, permettent d’intégrer des quiz, des vidéos courtes, ou des feedbacks immédiats. Utilisés avec modération, ils peuvent stimuler l’engagement sans provoquer de surcharge mentale. Il est toutefois important d’éviter l’accumulation d’animations ou d’effets visuels non essentiels.
Enfin, des outils comme Notion, Trello ou MindMeister permettent aux apprenants d’organiser les contenus à leur manière : créer leur propre carte mentale, suivre une checklist personnalisée ou classer les ressources par thème. Ces outils favorisent la prise d’autonomie, tout en répondant aux besoins d’organisation visuelle souvent essentiels dans le TDAH.
Conclusion
Concevoir des supports adaptés aux apprenants avec TDAH n’est pas un luxe, mais une exigence pédagogique fondée sur la compréhension des profils cognitifs. C’est aussi un levier d’égalité des chances : en simplifiant la forme sans appauvrir le fond, en hiérarchisant les contenus et en intégrant une logique d’accessibilité cognitive, les organismes de formation favorisent l’engagement, la compréhension et l’autonomie de tous les publics.
Au-delà des personnes identifiées comme porteuses de TDAH, ces aménagements profitent à l’ensemble des apprenants : ceux qui reviennent en formation après une longue interruption, ceux qui doutent de leurs capacités, ou ceux qui rencontrent simplement des difficultés ponctuelles. En somme, adapter ses supports, c’est faire le choix d’une pédagogie inclusive et exigeante, au service de l’apprentissage pour chacun.