Dans les organismes de formation professionnelle, l’accompagnement des personnes présentant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ou d’autres troubles cognitifs, constitue un enjeu d’accessibilité et d’inclusion. Ces apprenants peuvent faire preuve de grandes capacités, mais se heurtent à des obstacles spécifiques lorsqu’il s’agit de gérer leur attention, d’organiser leurs tâches, ou de faire face au stress. L’usage d’outils numériques adaptés peut alors devenir un levier puissant pour compenser certaines fragilités cognitives et favoriser l’autonomie.
Encore faut-il savoir quels outils proposer, à qui, et dans quel cadre. Cet article propose une synthèse des solutions disponibles et des bonnes pratiques pour les intégrer dans un parcours de formation, en s’appuyant sur les retours d’expérience et les recommandations pédagogiques éprouvées.
Comprendre les besoins spécifiques des apprenants avec TDAH et troubles cognitifs
Les personnes avec un TDAH ou d’autres troubles cognitifs rencontrent des difficultés qui perturbent leur capacité à suivre une formation : attention instable, mémoire de travail fragile, gestion du temps défaillante, impulsivité ou régulation émotionnelle difficile. Ces manifestations ne relèvent pas d’un manque de volonté, mais d’un fonctionnement neurocognitif spécifique. En formation, cela se traduit par un décrochage en cours, des retards dans les rendus, ou une anxiété croissante en cas de surcharge d’informations. Ces difficultés sont amplifiées dans des dispositifs distanciels ou hybrides, qui exigent davantage d’autonomie et d’auto-organisation.
Face à cela, une approche centrée sur l’environnement capacitant vise à adapter les conditions de travail (temps, espace, outils) pour soutenir les compétences existantes et limiter les obstacles. Il ne s’agit pas de compenser un déficit, mais de créer un cadre d’apprentissage inclusif et réaliste.
Après avoir identifié les besoins spécifiques liés au TDAH et aux troubles cognitifs, intéressons-nous aux outils numériques qui peuvent aider les apprenants à maintenir leur attention et à structurer leur travail de manière efficace.
Outils numériques pour soutenir l’attention et l’organisation
Dans le contexte d’une formation professionnelle ou post-bac, les outils numériques peuvent jouer un rôle décisif pour aider les apprenants avec TDAH ou troubles cognitifs à structurer leur travail, maintenir leur attention et limiter les distractions.
Les applications basées sur la méthode Pomodoro, comme Forest ou Focus To-Do, permettent de fractionner le temps en séquences courtes (25 min de travail, 5 min de pause), idéales pour les personnes ayant une concentration fluctuante.
Pour organiser leurs tâches et visualiser leur avancement, des outils comme Trello, Notion, Todoist ou Google Keep offrent des interfaces simples et modulables. Ces applications sont particulièrement utiles dans les formations hybrides ou à distance, où l’absence de repères physiques rend la planification plus difficile.
Enfin, des extensions de navigateur telles que StayFocusd ou Freedom bloquent temporairement l’accès aux sites distrayants, soutenant ainsi l’engagement sur des activités prioritaires.
L’efficacité de ces outils dépend du profil cognitif, du niveau d’autonomie de l’apprenant et du type de formation (présentiel ou distanciel). Les organismes de formation peuvent les recommander dans le cadre d’un accompagnement individualisé, en partenariat avec le Référent Handicap ou l’équipe pédagogique.
Maintenir l’attention est une première étape. Mais encore faut-il que l’information transmise soit compréhensible et facilement mémorisable. C’est tout l’enjeu de la structuration des contenus et de la prise de notes.
Aides à la structuration de l’information et à la prise de notes
Les apprenants avec TDAH ou troubles cognitifs rencontrent souvent des difficultés à traiter une information dense ou à prendre des notes de manière structurée. Des outils comme MindMeister ou XMind permettent de créer des cartes mentales visuelles, facilitant la mémorisation et la compréhension globale d’un cours. Ces schémas offrent une vue d’ensemble immédiate, en hiérarchisant les idées principales et secondaires.
Pour la prise de notes, des applications comme OneNote ou Evernote permettent de regrouper textes, images, liens et annotations audio. Ce format multimodal convient bien aux apprenants ayant une mémoire visuelle ou auditive dominante. Certaines solutions, comme AudioNote, synchronisent l’enregistrement sonore avec les notes écrites, ce qui est particulièrement utile en formation présentielle.
En intégrant ces outils dans les pratiques pédagogiques, les organismes de formation facilitent l’accès aux contenus et encouragent une autonomie progressive, même chez les apprenants en difficulté de traitement de l’information.
Outils pour réguler le stress et soutenir l’autorégulation
La gestion du stress est un levier essentiel pour prévenir la surcharge cognitive chez les apprenants avec TDAH ou troubles cognitifs. Une personne stressée voit ses capacités d’attention, de mémorisation et de raisonnement diminuer, ce qui compromet directement l’efficacité de la formation.
Des applications de respiration et de relaxation guidée, comme Respirelax+, Petit Bambou ou Breathwrk, permettent d’initier les apprenants à des routines de recentrage avant ou après une session. Quelques minutes de cohérence cardiaque, par exemple, peuvent suffire à apaiser le système nerveux et à restaurer un état de disponibilité mentale.
Des outils comme Moodnotes ou Daylio favorisent l’identification des émotions et la régulation des états internes. Ils sont utiles pour les adultes qui ont besoin de verbaliser ou de visualiser leur état émotionnel, afin d’adapter leur rythme d’apprentissage.
Les fiches routines personnalisées (papier ou numériques), co-construites avec le formateur ou le référent handicap, listent les actions à engager en cas de surcharge : respirer, relire une consigne, reformuler un objectif. Ces routines d’auto-régulation peuvent être intégrées aux séquences pédagogiques sans stigmatisation.
Les organismes de formation ont tout intérêt à intégrer ces outils simples mais efficaces : en favorisant un apprentissage apaisé et régulé, ils améliorent la concentration, réduisent les décrochages et renforcent l’engagement des apprenants fragilisés.
Intégrer les outils dans le parcours de formation
Les outils ne peuvent être pleinement efficaces que s’ils sont intégrés de manière cohérente dans l’ingénierie pédagogique. Cela suppose un travail d’équipe, piloté de préférence par le Référent Handicap, mais impliquant également les formateurs.
Le Référent Handicap
L’efficacité des outils numériques et compensatoires repose sur leur intégration cohérente dans le parcours de formation. Le Référent Handicap peut jouer un rôle central dans ce processus : il peut évaluer, en lien avec l’apprenant, les besoins spécifiques liés à l’attention, à l’organisation ou à la régulation émotionnelle, et ainsi recommander des outils adaptés en fonction du profil et des modalités de la formation (présentiel, distanciel, alternance…).
Les formateurs
Les formateurs, de leur côté, doivent être sensibilisés à ces outils pour pouvoir les proposer au bon moment, sans jamais les imposer. Il ne s’agit pas d’un protocole figé, mais d’un accompagnement souple et progressif, respectueux des préférences et du rythme de chacun.
Le suivi des apprenants
Enfin, un suivi régulier permet d’évaluer l’utilité réelle des outils : certains seront adoptés durablement, d’autres abandonnés. Cette démarche d’ajustement évite les solutions standards inefficaces et favorise une montée en autonomie des apprenants. Elle renforce également la posture inclusive de l’organisme de formation.
Accessibilité et vigilance d’usage
L’intégration d’outils numériques dans un parcours de formation doit s’accompagner de certaines précautions d’usage. Multiplier les applications peut créer une surcharge cognitive, surtout pour les apprenants déjà en difficulté d’organisation. Mieux vaut choisir deux ou trois outils cohérents et les tester dans la durée plutôt que proposer un éventail trop large.
L’accessibilité numérique est également essentielle : les outils retenus doivent être ergonomiques (menus clairs, navigation intuitive), avec un bon contraste visuel et une compatibilité mobile pour s’adapter à tous les usages.
Enfin, il est impératif de respecter la confidentialité des données personnelles. Certains outils collectent des informations sensibles (état émotionnel, habitudes de travail). Leur usage doit être volontaire, transparent, et validé par un consentement éclairé de l’apprenant, conformément aux obligations RGPD.
Conclusion
Proposer des outils adaptés aux apprenants présentant un TDAH ou des troubles cognitifs ne relève pas d’une logique d’assistanat, mais d’un geste professionnel en faveur de l’équité. Ces outils, qu’ils soient numériques ou organisationnels, n’ont de sens que s’ils sont accompagnés, choisis avec discernement, et adaptés aux contextes d’apprentissage. Dans une démarche inclusive, les organismes de formation ont tout à gagner à renforcer leurs pratiques en matière d’accessibilité cognitive : ils contribuent ainsi à la réussite de tous les publics, et pas seulement des plus vulnérables. Des plateformes de matériel – tous types de handicap – sont progressivement mises en place dans toutes les régions. Pour approfondir les types d’aménagement pouvant être mis en place dans les organismes de formation, lisez l’article d’ALYZO « TDAH et apprentissage ».
Bibliographie
Arbour N., TDAH et fonctions d’aide technologiques, 2016
Questions-Réponses
Quels outils numériques peuvent aider un apprenant avec TDAH à mieux s’organiser ?
Des applications comme Trello, Notion ou Todoist permettent aux apprenants de visualiser et planifier leurs tâches, avec rappels et hiérarchisation des priorités. Couplés à des minuteurs (ex. : Focus To-Do, Forest), ils aident à structurer le temps et maintenir l’attention.
Existe-t-il des outils pour limiter les distractions pendant une formation à distance ?
Oui. Des extensions comme StayFocusd (Chrome) ou Freedom (applications multi-plateformes) bloquent temporairement l’accès aux réseaux sociaux ou autres sites distrayants. Elles sont particulièrement utiles dans les formations en ligne ou hybrides.
Comment les outils numériques peuvent-ils soutenir la régulation émotionnelle ?
Des applications comme Respirelax+, Petit Bambou ou Daylio proposent des routines de respiration, de relaxation ou de suivi de l’humeur. Ces outils aident les apprenants à identifier leur état émotionnel, à anticiper les moments de surcharge, et à retrouver un équilibre attentionnel.
Faut-il un diagnostic de TDAH pour proposer des outils adaptés dans un organisme de formation ?
Non. Il n’est pas nécessaire d’avoir un diagnostic médical pour proposer des outils d’aide à l’organisation ou à la concentration. Un Référent Handicap ou un formateur peut les recommander dans une logique inclusive, en fonction des besoins observés et exprimés.
Quels risques à vouloir utiliser trop d’outils en formation ?
Multiplier les outils peut créer une surcharge cognitive, surtout pour les apprenants déjà en difficulté de planification ou d’attention. Il est recommandé de limiter le nombre d’outils, de les tester progressivement et de vérifier régulièrement leur utilité avec l’apprenant.