Selon « Le handicap en chiffres, 2023, Panoramas de la DREES Social (INSEE) », 11% des actifs sont en situation de handicap. 4% ont un handicap déclaré, tandis que 7% pourraient gagner à se faire accompagner pour faire reconnaître leur situation. Mis à part aider l’employeur à diminuer sa contribution financière, en quoi est-ce utile ? Comment aborder ce sujet sensible ?
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur handicapé (RQTH) est une démarche administrative effectuée de façon libre et personnelle auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de son lieu de résidence. C’est un dispositif clé pour les Personnes en Situation de Handicap, qui donne un statut et des droits spécifiques visant la restauration de l’égalité des chances dans notre société et au travail.
En quoi la RQTH est-elle utile ?
La RQTH apporte des avantages pour restaurer l’égalité des chances dans notre société :
- Le droit à un aménagement raisonnable : le droit à la compensation du handicap (Article L5213-6 du Code du Travail) est un droit que le législateur a mis au niveau de la discrimination en cas de non-respect. Sachant que la discrimination est en droit pénal un délit plus grave que le harcèlement mais moins grave que l’agression, le droit à la compensation du handicap s’avère un droit fort. Ce droit comporte des limites comme la prééminence de la sécurité au travail, le trouble au fonctionnement de l’entreprise, le coût si celui-ci impacte notablement l’entreprise, les droits des autres travailleurs et la possibilité pour l’employeur de mettre réellement en œuvre la compensation. C’est pourquoi on parle d’aménagement raisonnable.
Les moyens pour aménager une situation de travail sont nombreux :- Moyens techniques :
- Matériel ergonomique
- Outillage adapté
- Aides humaines et animales : interprète en langue des signes, animal d’assistance
- Moyens organisationnels :
- Diminution du temps de travail
- Aménagement des horaires et des pauses
- Organisation du travail : adaptation des missions, diminution des tâches ou de la charge de travail
- Aménagement des réunions et des méthodes de transmission des informations
- Moyens d’accompagnement et formation :
- Accompagnement individuel, tutorat, coaching
- Sensibilisation de l’équipe
- Formation
- Validation des acquis de l’expérience
- Compensations péri-professionnelles :
- Aide au déplacement domicile-travail : transport adapté, taxi
- Recherche de logement à proximité du lieu de travail
- Accessibilité :
- Environnement : aménagement des espaces dans les locaux, rampe, boucle magnétique, acoustique…
- Information aux normes du RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité)
- Moyens techniques :
- L’accès à des financements spécifiques :
- Financement des moyens et dispositifs de compensation : les financeurs sont principalement l’AGEFIPH, le FIPHFP, CAP EMPLOI, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH)
- Financement et adaptation des formations
- Abondement du CPF (800 €/an au lieu de 500 €/an – Plafond : 8000 € au lieu de 5000 €)
- Le suivi adapté par la médecine du travail pour prévenir la désinsertion professionnelle
- La retraite anticipée à taux plein : tout travailleur handicapé peut bénéficier de sa pension de retraite avant l’âge légal, s’il remplit trois conditions : une durée d’assurance ; une durée cotisée ; justifier, pendant les durées exigées, d’un taux d’incapacité de 50 %. Il existe aujourd’hui 3 motifs de retraite anticipée permettant de partir à 55 ans, 60 ans ou 62 ans : handicap lourd, incapacité permanente et inaptitude.
De façon plus subjective, la RQTH officialise le handicap, ce qui est très utile :
- quand le handicap est invisible et nécessite par exemple des aménagements matériels ou organisationnels dont l’entourage professionnel remet en question la légitimité,
- pour sensibiliser l’ensemble du personnel aux enjeux de l’inclusivité et modifier les perceptions autour du handicap, favorisant ainsi un environnement de travail plus inclusif.
Pourtant, au-delà de l’avantage financier pour l’employeur et des moyens pour restaurer l’égalité des chances qui viennent d’être énumérés, beaucoup d’objections s’opposent à la RQTH :
- Peur de la stigmatisation
- Peur de ne plus avoir d’évolution professionnelle voire de perdre son emploi
- Peur de l’affichage du handicap notamment quand celui-ci est invisible, en cas d’absence de confidentialité
- Peur de se confronter à un dossier administratif compliqué et long
- Peur de se priver de la possibilité d’emprunter de l’argent notamment en cas d’achat immobilier
Il s’ajouter des méconnaissances :
- Croyance qu’une maladie n’est pas un handicap
- Croyance qu’il y a une hiérarchie des handicaps et que son handicap n’est pas assez lourd sur le plan médical
- Croyance que le statut de Travailleur handicapé n’apportera rien dans la mesure où aucune aide technique ne permet de compenser le handicap
- Déni du handicap en dépit de tous les signes qui l’atteste aux yeux des observateurs
Bien que chaque peur ou croyance mérite une analyse particulière, il est possible de regrouper les objections :
- Manque d’informations et méconnaissances : cela concerne la constitution du dossier administratif, le crédit immobilier, la définition du handicap, la perte d’emploi. Des explications concernant le cadre administratif, règlementaire et légal permettent en principe de lever les objections.
- Cycle du deuil : le déni du handicap est la première étape après le traumatisme que peut produire la survenue d’un handicap. La personne nie la réalité, elle est difficilement accessible à un raisonnement objectif et rationnel. Il faut lui laisser le temps de cheminer vers les autres étapes (colère, marchandage, dépression) avant d’accepter sa nouvelle image de soi.
- Peur que la confidentialité ne soit pas respectée : c’est une crainte souvent associée à la peur de la stigmatisation. Il est important de clarifier qui sera au courant du statut de Travailleur Handicap : le RRH, le Référent Handicap, le manager… et d’apporter des aménagements et des garanties quant à l’obligation de discrétion, sinon de confidentialité totale.
- Peur de ne plus avoir d’évolution professionnelle : il est facile de rassurer la personne en lui disant que la RQTH est au contraire très bénéfique, qu’elle apportera des moyens pour accompagner la carrière au mieux des compétences et des capacités de la personne. Toutefois, si aucun Travailleur Handicapé n’a eu d’évolution professionnelle dans l’entreprise, ou si tous les Travailleurs Handicapés sont bloqués aux plus bas niveaux de qualification, il est préférable que le Référent Handicap s’intéresse d’abord aux processus de promotion, avant de conseiller une RQTH.
- Peur de la stigmatisation : de même, il est vain d’assurer à quelqu’un que son handicap ne va pas changer le regard de ses collègues si les Travailleurs Handicapés de l’entreprise sont traités de « bras cassés » sans que la ligne hiérarchique ou les RH n’interviennent pour faire cesser ces comportements non-inclusifs.
Comment aborder ce sujet sensible ?
Quelques bonnes pratiques :
Créer un environnement de confiance : assurez-vous que les discussions sur la RQTH se déroulent dans un cadre confidentiel et bienveillant, où le collaborateur se sent écouté et respecté.
Informer sans stigmatiser : proposez des séances d’information collectives ou individuelles pour expliquer les bénéfices de la RQTH, en veillant à ne pas stigmatiser ceux qui choisiraient de faire la démarche.
Mettre en avant les avantages : soulignez les aspects positifs de la RQTH, en mettant l’accent sur l’accessibilité des droits et des soutiens plutôt que sur le handicap lui-même.
Accompagner en proximité : proposez un accompagnement personnalisé pour guider le collaborateur à travers le processus de demande de RQTH, en répondant à ses questions et en le soutenant à chaque étape.
Montrer l’engagement de la direction : présentez les actions de l’entreprise qui témoignent de son engagement en faveur des Travailleurs handicapés, pour que les personnes sentent que leur démarche de RQTH est valorisée et soutenue par leur employeur.
Dans certains cas, plutôt que de donner des conseils, il peut être plus judicieux d’amener la personne à se poser les bonnes questions.
Par exemple : « Dans quelle mesure les difficultés que vous rencontrez du fait de votre handicap ont des conséquences…
- Sur la façon dont vous occupez votre poste ?
- Sur votre performance au travail ?
- Sur votre capacité à réaliser les tâches qui vous incombent ?
- Sur votre accès à la formation ?
- Sur vos capacités à suivre une formation ?
- Sur votre employabilité potentielle ?
- Sur votre évolution professionnelle ?
- Sur vos relations avec vos collègues ?
- Sur le collectif de travail ? »
Dès lors que la personne répond par l’affirmative à une question, elle peut déduire son intérêt à faire reconnaître son handicap. C’est une stratégie d’accompagnement particulièrement éthique car elle donne à la personne les moyens de réfléchir à sa situation et de faire ses choix par elle-même, cela respecte son libre-arbitre.
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur handicapé (RQTH) est une démarche personnelle et libre. Le Référent Handicap peut apporter un accompagnement fait de conseils et d’aide à l’action ou utiliser la maïeutique pour conduire la personne à découvrir et à formuler ce qui sera le plus bénéfique pour elle.