Il peut sembler difficile d’appréhender les handicaps invisibles en entreprise. Cependant, en tant que manager, il est essentiel de comprendre leur nature pour offrir un cadre de travail inclusif et adapté. L’aménagement des postes pour les personnes en situation de handicap invisible est une des solutions à envisager pour favoriser l’inclusion. Commençons par définir ce qu’est un handicap invisible et comment il se manifeste dans un environnement professionnel.
Qu’est-ce qu’un handicap invisible ?
La définition du handicap invisible
Un handicap invisible est une limitation physique, sensorielle, cognitive, intellectuelle ou psychique qui n’est pas immédiatement perceptible par autrui. Contrairement aux handicaps visibles, comme un syndrome de Down, une amputation, une boiterie ou un bégaiement, ces handicaps peuvent passer inaperçus si la personne n’en parle pas.
La relativité du handicap invisible
Cependant, la notion d’invisibilité peut être relative. En effet, certaines personnes ayant un handicap invisible utilisent des moyens de compensation visibles, comme des lunettes spécifiques pour le kératocône, des prothèses auditives pour la malentendance ou du matériel ergonomique pour soulager des troubles musculosquelettiques. Effectivement, l’environnement professionnel doit parfois être adapté, grâce à un aménagement du poste de travail, afin de compenser les limitations du handicap invisible. Des comportements non-conventionnels ou des signes physiques, comme des douleurs ou de la fatigue, peuvent également mettre en évidence la présence d’un handicap invisible.
Les éléments susceptibles de rendre visibles de nombreux handicaps invisibles
Ces comportements peuvent inclure :
- Des fluctuations de l’humeur : des troubles psychiques, la dépression ou les troubles bipolaires, peuvent entraîner des changements d’humeur notables, parfois perçus comme incompréhensibles par l’entourage professionnel.
- Des signes de fatigue récurrents : des maladies comme la sclérose en plaques ou la fibromyalgie peuvent engendrer une fatigue chronique visible, que ce soit par un ralentissement des gestes, des absences fréquentes ou des pauses régulières.
- Des expressions de douleur : les migraines, la drépanocytose ou l’endométriose peuvent provoquer des signes visibles de douleur, amenant la personne à s’isoler ou à avoir une capacité réduite à se concentrer.
- Des difficultés relationnelles ou comportementales : certaines personnes souffrant de troubles du spectre de l’autisme, de phobie sociale ou du syndrome Gilles de la Tourette peuvent avoir du mal à suivre les conventions sociales habituelles, comme le maintien du contact visuel ou la gestion des interactions sociales. La sensibilisation au handicap invisible en entreprise est alors cruciale pour éviter les malentendus.
- Des signes cognitifs : des troubles comme la dyspraxie ou la dyslexie peuvent affecter les performances au travail, en particulier sur des tâches nécessitant de la coordination ou une lecture rapide.
Quels handicaps invisibles en entreprise ?
Les handicaps invisibles constatés dans le milieu professionnel sont variés et peuvent toucher différentes fonctions de l’organisme. Parmi les plus fréquents ou les plus méconnus, on trouve :
- Le kératocône : une maladie dégénérative de l’œil qui provoque une déformation de la cornée, nécessitant des lentilles spécifiques ou une intervention chirurgicale.
- Le glaucome : une pathologie oculaire pouvant entraîner une perte progressive de la vision périphérique aboutissant à une vision tubulaire, souvent non perceptible par l’entourage professionnel.
- L’hyperacousie : un trouble auditif qui rend certaines personnes hypersensibles aux bruits, créant des difficultés dans des environnements bruyants comme les open spaces.
- Les acouphènes : un trouble auditif qui perturbe la concentration et peut rendre irritable.
- La dyslexie et la dyspraxie : des troubles spécifiques des apprentissages qui peuvent affecter la lecture, l’écriture ou la coordination, entraînant des difficultés dans les tâches administratives ou manuelles.
- L’autisme : certains individus ayant un trouble du spectre de l’autisme peuvent rencontrer des difficultés dans les interactions sociales ou la gestion du changement.
- Les troubles bipolaires : caractérisés par des phases d’euphorie et de dépression, ce trouble peut créer des difficultés pour maintenir un rythme de travail stable et des relations prévisibles avec autrui.
- Les troubles cardiaques : bien que peu visibles, ces troubles peuvent limiter l’effort physique ou nécessiter des pauses régulières.
- La sclérose en plaques : une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central, provoquant une fatigue importante et des douleurs invisibles aux autres.
- La maladie de Crohn : c’est inflammation chronique qui peut toucher les parois de tout le tube digestif, de la bouche à l’anus et qui provoque des douleurs abdominales, des diarrhées, des nausées et vomissements.
- L’épilepsie : les crises ne sont pas toujours visibles, mais l’anxiété associée impacte le quotidien des personnes concernées.
- Les troubles musculosquelettiques : des douleurs chroniques au dos ou aux membres peuvent affecter la mobilité d’une personne.
- La fibromyalgie : caractérisée par des douleurs diffuses et une fatigue chronique, elle engendre une grande souffrance pour les personnes qui en sont atteintes.
- L’endométriose : une maladie gynécologique qui provoque des douleurs importantes, pouvant entraîner une grande fatigue et des arrêts maladie fréquents.
- Les migraines chroniques : elles entraînent des incapacités temporaires qui peuvent nécessiter des ajustements d’horaires ou des conditions de travail particulières.
- Le diabète : c’est une maladie chronique qui se caractérise par une hyperglycémie.
Comment aménager les situations de travail en cas de handicap invisible ?
Pour garantir l’inclusion des travailleurs handicapés, il est primordial que l’entreprise prenne en compte les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap invisible. Le processus d’aménagement doit s’adapter à la nature du handicap et à l’environnement de travail pour offrir des conditions de travail équitables. Il s’appuie sur des outils légaux, tels que la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), mais aussi sur des pratiques d’accompagnement spécifiques des managers et des équipes.
Comment faire reconnaître un handicap invisible ?
Une fois que le handicap invisible est reconnu, il est possible d’envisager des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail. La première étape consiste souvent à formaliser ce handicap à travers la RQTH, ouvrant ainsi la voie à des aménagements spécifiques.
La RQTH est un dispositif essentiel pour les personnes en situation de handicap invisible, permettant de formaliser leur handicap auprès des employeurs et de bénéficier de mesures adaptées. La démarche de reconnaissance du statut de travailleur handicapé est également nécessaire pour que les employeurs puissent respecter l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) dans les entreprises de plus de 20 salariés ou agents. De plus, elle ouvre la voie à la mise en place d’aménagements professionnels spécifiques et à l’obtention de financements pour couvrir ces adaptations. La reconnaissance du handicap par la RQTH repose sur l’évaluation des besoins par un professionnel de santé, tel que le médecin du travail, qui propose les aménagements nécessaires. L’employeur peut alors faire appel à des organismes comme l’AGEFIPH, le FIPHFP, ou encore Cap emploi pour obtenir des financements et des ressources adaptés.
Cette démarche permet également de protéger les employés handicapés d’éventuelles discriminations et de mieux organiser leur insertion ou maintien en emploi. Cependant, il est important que cette reconnaissance se fasse dans un cadre bienveillant, où la personne se sent en confiance pour parler de son handicap.
Quels sont les aménagements en cas de handicap invisible ?
Les aménagements de postes pour handicap invisible peuvent prendre plusieurs formes, en fonction des besoins spécifiques de la personne et du type de handicap. L’employeur, en concertation avec le médecin du travail, et avec l’aide du référent handicap, est tenu de mettre en place ces aménagements dans la limite de l’aménagement raisonnable.
Des exemples d’aménagements :
- L’ajustement des horaires de travail : des horaires flexibles pour les personnes souffrant de fatigue chronique liée à des maladies comme la sclérose en plaques ou des troubles cardiaques.
- Adaptation des outils de travail : l’installation de logiciels de lecture d’écran pour les salariés ayant des déficiences visuelles comme la cécité, le kératocône ou toute autre forme de malvoyance, ou même des déficiences cognitives comme la dyslexie ou la dyspraxie.
- Création d’espaces de repos : pour les personnes atteintes de fibromyalgie ou d’autres maladies invalidantes qui nécessitent des pauses régulières.
- Equipements ergonomiques : des sièges ou bureaux ajustables pour les personnes souffrant de troubles musculosquelettiques ou de douleurs dorsales chroniques.
- Aménagements sensoriels : installation de protections contre les bruits et les lumières fortes pour les personnes souffrant d’hyperacousie, de troubles visuels spécifiques, d’autisme, de syndrome de stress post-traumatique ou encore de certaines formes d’épilepsie.
Ces aménagements visent à garantir que les personnes en situation de handicap puissent travailler dans des conditions adaptées, tout en participant pleinement à la vie de l’entreprise.
Toutefois, bien que les aménagements visent à compenser les effets du handicap, il peut arriver que cela ne suffise pas à maintenir la productivité. Dans ce cas, il est crucial de prendre des mesures supplémentaires, comme la reconnaissance de la lourdeur du handicap.
Que faire en cas de productivité insuffisante du fait d’un handicap invisible ?
Il peut arriver que, malgré les aménagements mis en place, la productivité d’un salarié handicapé reste impactée par les limitations de son handicap. Dans ce cas, il est essentiel d’envisager une démarche visant à reconnaître la lourdeur du handicap. Ce dispositif, proposé par l’AGEFIPH, permet de prendre en compte les conséquences particulièrement importantes du handicap sur la capacité de travail d’une personne. La reconnaissance de la lourdeur du handicap ouvre droit à des aides financières spécifiques pour l’employeur, visant à compenser les coûts additionnels liés à l’accompagnement du salarié.
La reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) est un dispositif essentiel pour les managers et les entreprises confrontées à des situations où le handicap d’un salarié affecte sa productivité, malgré les aménagements déjà mis en place. Cette démarche permet de compenser les surcoûts liés au maintien de la personne en emploi, en particulier lorsque les répercussions du handicap sur la performance sont significatives.
Pour obtenir la RLH, plusieurs étapes sont nécessaires. Tout d’abord, l’entreprise doit avoir mis en place un aménagement optimal du poste de travail, conforme aux préconisations du médecin du travail. Cet aménagement peut inclure des ajustements techniques, organisationnels ou d’horaires adaptés aux besoins spécifiques du salarié. Une fois ces adaptations réalisées, il convient de démontrer que des charges résiduelles persistent, telles qu’une baisse de productivité objectivement mesurée ou l’intervention régulière d’un tiers pour assister le salarié.
Le manager, avec l’aide du médecin du travail, joue un rôle clé dans l’évaluation de la situation de travail et dans la préparation du dossier de demande. Il est important de décrire précisément les tâches réalisées par le salarié, les difficultés qu’il rencontre en raison de son handicap, et d’estimer la moindre productivité en la comparant à celle d’autres salariés sur un poste similaire. La démarche de RLH permet alors à l’employeur de bénéficier d’une aide financière de l’Agefiph, calculée en fonction des charges supportées par l’entreprise.
Le montant de l’aide liée à la reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) est calculé en fonction du Smic horaire en vigueur et est versé trimestriellement sur la base des heures de travail réalisées par le salarié. L’aide peut être octroyée selon deux niveaux : un taux normal ou un taux majoré.
- Taux normal : il correspond à 550 fois le montant du Smic horaire en vigueur.
- Taux majoré : ce taux, appliqué dans les situations où le handicap génère des contraintes particulièrement lourdes, correspond à 1 095 fois le montant du Smic horaire.
En 2024, le Smic horaire est de 11,52 € brut. Sur cette base, le montant de l’aide annuelle pour un salarié à temps plein sera de :
- Taux normal : 550 x 11,52 € = 6 336 € par an,
- Taux majoré : 1 095 x 11,52 € = 12 607,20 € par an.
Ces montants sont proportionnels au temps de travail. Par exemple, pour un salarié à 80 %, l’employeur recevra 80 % de l’aide, soit 5 068,80 € (taux normal) ou 10 085,76 € (taux majoré).
Ce calcul est basé sur les heures effectivement travaillées et est réévalué chaque trimestre.
Les conséquences d’un handicap invisible peuvent également toucher les relations interpersonnelles. Il est donc nécessaire de sensibiliser l’ensemble des équipes à ces défis pour favoriser une ambiance de travail harmonieuse.
Que faire en cas de difficultés relationnelles du fait d’un handicap invisible ?
Le handicap invisible, en particulier lorsqu’il est d’ordre psychique ou cognitif, peut parfois générer des difficultés relationnelles avec les collègues ou les managers. Ces difficultés proviennent souvent d’une méconnaissance du handicap ou d’une incompréhension des comportements de la personne.
La sensibilisation est essentielle pour prévenir ces tensions. Former l’ensemble du personnel sur les différents types de handicaps invisibles contribue à créer une culture d’inclusion au sein de l’entreprise. Une équipe informée et sensibilisée sera plus à même de comprendre les comportements atypiques et d’adopter une attitude bienveillante.
Des exemples concrets d’action en matière de difficultés relationnelles :
- Ateliers de sensibilisation : organiser des sessions de formation pour les équipes, visant à expliquer les spécificités des handicaps comme l’autisme, les troubles bipolaires ou la dyslexie.
- Médiation en interne : lorsqu’une personne en situation de handicap fait face à des conflits relationnels, l’intervention d’un référent handicap ou d’un médiateur peut aider à résoudre ces tensions.
- Journées de sensibilisation thématiques : organiser une journée dédiée aux maladies chroniques et aux handicaps invisibles, avec des témoignages de personnes concernées.
- Accompagnement psychologique : proposer – avec l’aide du Service de Prévention et de Santé au Travail – un service de soutien psychologique pour les personnes ayant des troubles de l’humeur ou autres handicaps psychiques, afin d’améliorer leur bien-être au travail.
- Réseaux de pairs : encourager la création de groupes de soutien ou de réseaux internes où les personnes handicapées peuvent partager leurs expériences et leurs solutions.
Dans l’entourage professionnel, les managers doivent tout particulièrement être soutenus. Leur offrir les bonnes ressources et formations est essentiel pour garantir que les besoins spécifiques des personnes concernées soient pris en compte au quotidien.
Comment aider les managers en cas de handicap invisible ?
Les managers jouent un rôle clé dans l’inclusion des personnes handicapées. Il est crucial qu’ils soient formés aux besoins spécifiques des personnes présentant des handicaps invisibles et qu’ils disposent des outils nécessaires pour bien gérer ces situations.
En formant les managers et les équipes RH, on peut éviter les comportements discriminants involontaires et s’assurer que les aménagements sont bien mis en place. Il est également essentiel de leur offrir un accompagnement continu et des ressources pour soutenir au quotidien les personnes en souffrance.
Des exemples d’aide concrète pour les managers :
- Formation dédiée au handicap invisible : organiser des sessions pour les managers, afin de les sensibiliser aux difficultés rencontrées par les personnes ayant des troubles psychiques ou cognitifs.
- Outils de suivi des aménagements : mettre à la disposition des managers des tableaux de suivi pour s’assurer que les aménagements sont respectés et fonctionnels.
- Coaching individuel : proposer un coaching personnalisé aux managers qui gèrent des collaborateurs en situation de handicap, pour les aider à adopter à comprendre et à s’adapter à des comportements atypiques.
- Séances de partage d’expérience : encourager les managers à participer à des groupes de discussion ou des ateliers de codéveloppement avec d’autres responsables ayant géré des situations similaires.
- Accompagnement du médecin du travail : impliquer le médecin du travail dans les discussions avec les managers pour mieux comprendre les besoins spécifiques des personnes et adapter les pratiques managériales.
L’inclusion des handicaps invisibles est un défi qui nécessite l’engagement de tous les acteurs de l’entreprise pour créer un environnement respectueux et accueillant pour chacun.
Questions-Réponses
Qu’est-ce qu’un handicap invisible en entreprise ?
Un handicap invisible en entreprise désigne une limitation physique, psychique ou cognitive qui n’est pas immédiatement perceptible à l’œil nu, comme les troubles de l’humeur, les maladies chroniques ou les troubles d’apprentissage. Contrairement aux handicaps visibles, ces handicaps peuvent passer inaperçus si la personne concernée ne les évoque pas ou si aucun aménagement spécifique n’est mis en place.
Quels aménagements de poste sont possibles pour un salarié avec un handicap invisible ?
Les aménagements pour un salarié avec un handicap invisible dépendent de la nature du handicap et de ses besoins spécifiques. Ils peuvent inclure des horaires flexibles, des équipements ergonomiques, des outils d’assistance (comme les logiciels de lecture d’écran), des espaces de repos, ou encore des protections contre les bruits ou les lumières intenses.
Comment obtenir la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) pour un handicap invisible ?
Pour obtenir la RQTH, il faut déposer une demande auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Cette reconnaissance permet au salarié de bénéficier d’aménagements adaptés et ouvre droit à certaines aides pour l’employeur. Un médecin du travail peut orienter le salarié dans cette démarche.
Comment sensibiliser une équipe aux handicaps invisibles en entreprise ?
Sensibiliser une équipe aux handicaps invisibles passe par des ateliers de formation, des journées de sensibilisation thématiques, des témoignages de personnes concernées et des campagnes d’information. Ces actions permettent de mieux comprendre les particularités des handicaps invisibles et de favoriser une culture d’inclusion au sein de l’entreprise.
Quelles sont les obligations légales des employeurs concernant les travailleurs handicapés invisibles ?
En France, les entreprises de plus de 20 salariés sont soumises à l’Obligation d’emploi des Travailleurs Handicapés (OETH), à hauteur de 6 % de leur effectif. Elles doivent aussi mettre en place des aménagements raisonnables pour les salariés handicapés, y compris ceux atteints d’un handicap invisible, conformément aux dispositions du Code du travail et à la loi du 11 février 2005.